Les Trademark Trolls – PART II

Contrefaçon

Les outils de lutte contre un Trademark Troll

Pour les sociétés qui souhaitent étendre leur activité à l’étranger, et notamment sur le territoire chinois, ou les « trolls » – les « voleurs » de marques, sont le plus présents, voici, les solutions « curatives », mais surtout ensuite, préventives, afin d’éviter les actions en contrefaçon.

Les solutions curatives

Le troll a agi, l’entreprise veut récupérer ses droits sur sa propre marque et devra le poursuivre en justice. Face à cela, il existe des outils de secours.

Invoquer la mauvaise foi

Au sein de l’Union Européenne, il existe des principes bien établis afin de protéger sa marque et rétablir ses droits. Le propriétaire d’une marque peut demander l’annulation d’une marque illégitimement enregistrée.

A titre d’exemple, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque, ce qui signifie que le demandeur poursuivait des buts illicites en déposant la demande de marque.

Le juge français lui, a renforcé l’application du dispositif existant au sein du code de la propriété intellectuelle, afin qu’il soit plus aisé pour les sociétés d’invoquer la mauvaise foi. Il ressort d’un arrêt rendu par la chambre commerciale du 3 février 2015 [1] , que l’intention du déposant au moment du dépôt des demandes d’enregistrement constitue un élément subjectif.

L’élément subjectif est un ensemble des facteurs pertinents propres au cas d’espèce, notamment, si le déposant n’avait pas entendu faire obstacle au développement d’une certaine activité, c’est-à-dire, qu’il avait l’intention de faire obstacle au développement par la société de sa propre activité.


[1] Cass.com 3 février 2015, 13-18.025

Compléter par l’utilisation de la marque, antérieure à tout autre dépôt

Depuis la loi du 1er mai 2014, le législateur chinois consacre la reconnaissance de droits sur la marque et sur le territoire chinois à l’utilisateur antérieur au dépôt par un tiers et permet une protection accrue du droit exclusif sur la marque, en faveur de l’utilisateur antérieur de la marque illégitimement déposée. 

En effet, le nouvel alinéa 3 de l’article 59 de leur Trademark Act prévoit désormais une exception semblable au « fair use » que l’on retrouve aux Etats-Unis. Ceci a vocation à empêcher l’application systématique du principe du premier déposant consacré par le droit des marques chinois par exemple, et selon lequel : « le premier arrivé est le premier servi ».

Ainsi, la démarche sera la suivante : le demandeur devra rapporter la preuve d’un usage de la marque antérieur au dépôt de celle-ci par tout tiers sur le territoire chinois, et que cet usage antérieur a permis de doter la marque d’une certaine réputation sur ce même territoire.

Ce moyen de défense pourrait compléter efficacement l’aménagement déjà mis en place en Octobre 2001 de l’article 64. Cet article prévoit que lorsque le déposant de mauvaise foi intente une action judiciaire à l’encontre de l’utilisateur antérieur de la marque, ce dernier pourra invoquer comme argument de défense : « le non usage de la marque déposée au cours des 3 années qui précèdent les poursuites judiciaires ».

Pour que cette action aboutisse, le déposant de mauvaise foi devra alors prouver qu’il a fait usage de la marque. S’il n’y parvient pas, l’utilisateur antérieur de la marque pourra être condamné à verser des dommages et intérêts au déposant de mauvaise foi.

Cet article avait essentiellement pour dessein de combattre les « Trademark trolls », qui déposent des marques sans l’intention d’exploiter, puis de les revendre à un prix exorbitant aux utilisateurs antérieurs de la marque.

Par ailleurs, la nouvelle Loi, prévoit que la demande d’enregistrement et l’exploitation d’une marque en Chine doivent être fondée sur le principe de « bonne foi ».

Cette obligation de bonne foi constitue une avancée essentielle puisqu’elle permet de protéger les titulaires légitimes d’une marque non enregistrée des tiers déposants de mauvaise foi.

Ainsi, le titulaire de droits antérieurs pourra fonder son action en annulation sur le fondement légal de la mauvaise foi, qui n’existait pas sous le régime antérieur, soit en apportant la preuve de la mauvaise foi du déposant, soit en prouvant que le tiers déposant avait eu connaissance de l’usage antérieur de la marque.

Les règles de preuves destinées à prouver la mauvaise foi sont alors simplifiées.

Invoquer la marque notoire

C’est la convention de l’Union de Paris en son article 6 bis qui prévoit que :

« Les pays de l’Union s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d’une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci. »

Mais si le dispositif prévoit la possibilité d’invoquer la mauvaise foi, il prévoit aussi de renforcer les droits des titulaires de marque de renommée afin de lutter contre le Trademark troll.

Il s’agit de l’article 13 de leur Trademark Act qui dispose que “A holder of a trademark that is well known by the relevant public may, if he holds that his rights have been infringed upon, request for well-known trademark protection in accordance with this Law.”

La notion de marque notoire bénéficie d’une définition et d’un statut mieux encadrés.

En premier lieu, les conditions de sa détermination ont fait l’objet de précisions.

La Loi confirme ainsi à l’article 14 que la consécration du statut d’une marque notoire ne peut être obtenu qu’à l’occasion d’un litige.

Ainsi, seules trois autorités peuvent reconnaître une marque notoire : l’Office des marques, le Comité d’examen et d’arbitrage des marques, Le juge judiciaire lors d’une action en contrefaçon.

La réforme du 30 août 2013 prévoit également certaines restrictions quant à l’utilisation de la dénomination de « marque notoire ». Les marques notoires ne pourront pas utiliser la notion de « marque notoire » sous peine d’une amende de 100.000 RMB : Sur les produits, l’emballage des produits, les contenants des produits ; Dans la publicité, la promotion ou autre activité commerciale.

Cependant, bien que cela ait ete rendu légitime par le législateur, invoque la notoriété de sa marque n’est pas évident. Non seulement parce que la démarche sera tres longue, mais aussi parce qu’il s’agit d’une demarche onéreuse, car pour rapporter la preuve de la notoriété de sa marque, la société devra procéder a différentes études de marché.

Solutions préventives – se prémunir de toute action en contrefaçon

Penser sa stratégie d’expansion

Le point de départ : l’ENREGISTREMENT

D’abord et avant tout, les sociétés doivent procéder à l’enregistrement de leur marque, non seulement dans le pays où elles exploitent leur activité mais aussi dans les pays ou l’expansion sera envisageable dans le futur.

L’enregistrement est une démarche couteuse mais il faut avoir à l’esprit que c’est une forme d’assurance pour la viabilité de la marque, qui d’ailleurs n’inclut pas uniquement le nom, mais tout signe qui représente l’activité de l’entreprise, ce qui comprend tout logo, icone ou encore devise.

Dans une démarche d’expansion de son activité, il importe d’agir de façon proactive quant à la surveillance de sa marque.

L’enregistrement non seulement dans les pays ou la société concernée vend ses produits ou services mais aussi dans les pays ou elles les fabrique, ou encore là ou elle développe la recherche.

Il faut notamment prendre en compte des facteurs totalement déconnectés de l’activité de l’entreprise.

Par ailleurs il faut régulièrement revoir le portefeuille de marques, et identifier quels produits et services sont couverts ou non par la marque, pour vérifier que la protection soit toujours suffisante.

En effet le choix des différentes classes dans lesquelles la marque sera enregistrée est crucial.

Il ne faut pas oublier le principe de spécialité qui gouverne le droit des marques.

Si une société ne sélectionne pas les classes adaptées, alors un concurrent pourra enregistrer la marque, dans des classes non réservées.

Bien sûr, plus la marque sera enregistrée dans un plus grand nombre de classes, plus la protection est efficace.

Or cela est onéreux, et dépendra des capacités financières de la société.

Après le choix des classes appropriées, il faut mettre en garde les sociétés désireuses d’étendre leur activité à l’international de veiller aux différents délais d’enregistrement de la marque. Ceux-ci varient en fonction des différents offices. A Taiwan par exemple la procédure d’enregistrement se clôture dans les huit mois, en Chine, un an.

Ainsi, avant d’entreprendre tout commercialisation de produits ou services, il faudra s’assurer du terme de la procédure d’enregistrement.

Puisque les procédures d’opposition sont en général plus efficaces que les procédures en annulation de la marque, il importe de surveiller sa marque par des procédés de veille de marques.

Lorsque nous évoquons la nécessité d’enregistrer la marque, il ne s’agit pas seulement de l’enregistrer en caractères latins, lorsque la société entreprend une démarche d’expansion de son activité en Asie, elle doit nécessairement, pour protéger sa marque, procéder a sa translitération.

La translitération

La traduction est la conversion d’un contenu oral ou écrit d’une langue vers une autre. La translitération, quant à elle, est la conversion d’un contenu écrit d’un script vers un autre (caractères latins en anglais vers des caractères chinois par exemple). Les entreprises aspirent aussi, en général, à obtenir une similarité phonétique après translittération de leur marque.

La nécessité d’enregistrer sa marque en caractères chinois s’explique, tout d’abord, par le fait que plus de 95% de la population chinoise ne sait pas lire ni même reconnaître les caractères latins. Aussi, en l’absence de translittération ou de traduction chinoise d’une marque en caractères latins, le consommateur sera le plus souvent amené à opter pour une traduction chinoise spontanée de la marque étrangère, avec les risques de fausses interprétations ou de connotations négatives que cela comporte.

Les meilleurs exemples proposent aux locaux des noms qui offrent plus qu’une simple similarité phonétique. Les meilleurs cas de translitération prennent en compte les caractères écrits individuels utilisés dans la marque ayant bénéficié de la translittération   et les sens ou qualités qu’ils évoquent en harmonie avec les autres caractères afin de les associer sous la forme d’un concept évocateur et porteur au niveau local.

Par exemple, la marque Carrefour, utilise le nom de marque 家乐福 (jiālèfú) sur le marché chinois, Ce nom signifie « maison/famille/heureux/chanceux ». La combinaison des trois caractères a non seulement la particularité d’avoir une sonorite commune avec la marque francaise mais aussi il véhicule aussi les qualités recherchées pour un supermarché qui vend des produits visant à enrichir la vie familiale. Sur le même principe, la translittération du nom de la marque BMW, 宝马 (bǎomǎ), signifie « cheval au trésor », une appellation qui fait appel à des notions de luxe et de fiabilité de ses voitures. »

Sur certains marchés, la translittération n’est pas seulement associée au commerce, mais imposée par la loi. En Chine, par exemple, une version chinoise de la marque, doit apparaître sur les documents et les enseignes.

La translittération est une nécessité en ce que, si une société n’enregistre, lors de son expansion en Asie, uniquement sa marque en caractère latin, le risque est que le troll pourra aisément enregistrer une marque similaire en caractère chinois, et empêcher le titulaire légitime de la marque de commercialiser ses produits, même en utilisant sa marque latine.

Je vous renvoie à la partie I de cet article https://www.paulineblard-avocat.fr/les-trademark-trolls-part-i/ qui concernait l’affaire NEW BALANCE, qui utilise les termes « XIN BAI LUN » et « BAI LUN » pour commercialiser ses produits en Chine.[1] 


[1] 2013, No. 547 Sui Zhong Fa Zhi Min Chu Zi

L’entretien rigoureux de la marque contre les « troll »

Les trolls ne se saisissent pas seulement des marques en activité.

Il existe en effet une catégorie de trolls qu’il convient d’envisager ici pour avertir toute entreprise de veiller à ne pas laisser, par négligence tomber une marque en désuétude.

Il convient de rappeler que le droit d’exclusivité accordé au propriétaire d’une marque n’est pas illimité dans le temps.

Si le titulaire d’une marque ne renouvelle pas l’enregistrement, ou s’il cesse d’utiliser cette marque pour la commercialisation de ses produits ou services, alors il en perd la propriété, l’exclusivité, le droit d’interdire à tout autre personne d’utiliser sa marque car celle-ci devient disponible pour tous.

Il existe une catégorie de trolls qui a pour stratégie de réanimer une marque abandonnée.

Souvent, la marque choisie, bénéficiait antérieurement, souvent, d’une certaine renommée, car le nouveau propriétaire de la marque attend de celle-ci qu’elle lui apporte un revenu important du fait de la reconnaissance de cette marque par le public, ce qui aurait pour effet de rendre ses produits plus attractifs, et de n’avoir aucun investissement à engager pour gagner la confiance du consommateur. Il lui suffira simplement d’utiliser la renommée attachée a cette marque pour en retirer un certain profit.

Bien sur une telle pratique ne peut que conduire à la confusion dans l’esprit du consommateur, qui peut aisément penser que le précèdent propriétaire de la marque a réintroduit ses produits ou services sur le marché.

Bien sûr, selon une stricte interprétation des principes du droit de la propriété intellectuelle, l’ancien propriétaire n’aurait aucun moyen, ni aucune raison de vouloir combatte ce phénomène. Or il s’agit d’une pratique déloyale. Il existe donc des outils.

En France notamment, le titulaire initial de la marque peut agir sur le fondement de l’article L711-3 du Code de la propriété intellectuelle. « Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe (…) :c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. » Ou encore sur le fondement de la concurrence déloyale.

Mais alors dans ces différentes hypothèses, le titulaire originaire de la marque se retrouve face à des solutions « curatives », c’est-à-dire qu’il doit engager une action contre le troll pour que celui-ci perde l’exclusivité sur la marque. Or l’issue d’un tel litige n’est jamais certaine car la charge de la preuve repose sur le demandeur, et celui-ci va devoir apporter tout un faisceau d’indices révélant la mauvaise foi du défendeur.

Ce pourquoi, les sociétés titulaires de marques, doivent non seulement de penser leur stratégie d’expansion, mais aussi de veiller à entretenir leur marque, par le renouvellement de l’enregistrement, ou encore par un effort d’utilisation.

Pour plus de conseils, n’hésitez pas à me contacter : https://www.paulineblard-avocat.fr/